De l’image à sa « mise en image » se déplie le trajet du corps quittant l’enfance comme le Champ freudien permet de l’épingler.
Pour désigner les métamorphoses de la puberté, Freud a parlé d’un avènement Notre époque rend un culte au corps ; son image, qu’on adore, est devenue centrale, pas seulement pour les ados. Pour Lacan, l’imaginaire est primordialement scopique : « le corps est […] la forme du corps – pas la substance jouissante, la forme du corps. Et ça, l’inertie, ça tient, dans son enseignement, à la découverte qu’il avait pu faire, vingt ans auparavant, de ce qu’il a appelé le stade du miroir, où il y a jubilation, émergence d’une jubilation devant son image au miroir. Et il s’agit d’en rendre compte, de rendre compte de ce qui fait jouir de l’image. »[2] Les ados, dans ce moment de bouleversements libidinaux, de métamorphoses notamment corporelles sont davantage sensibles à l’image. Ils ont recours à la technologie, aux machines pour la traiter, la modifier dans un usage singulier. S’ils tentent toutes sortes d’expériences avec des objets donnés ou demandés par l’Autre (oral, anal), rappels du temps de l’enfance, ils se photographient, et se filment aussi dans des positions parfois intimes ou évoquant la [incidence] pulsion de mort. Jamais l’image n’a été autant présente. Avec l’illimité du numérique, chaque photo peut être effacée si elle ne convient pas, refaite dans l’instant jusqu’à ce que son auteur en soit satisfait. Mais elle peut être aussi immédiatement jetée pour passer à la suivante ou conservée pour au contraire se soutenir de l’image « comme tentative de savoir y faire avec le non-rapport sexuel »[3]. Roland Barthes affirme que « dès que je me sens regardé par l’objectif, tout change : je me constitue en train de “poser”, je me fabrique instantanément un autre corps, je me métamorphose immédiatement en image »[4]. Les ados utilisent fréquemment le Selfie, envoyant à un groupe d’amis une photo, une image de soi qui les représentent à un instant T. Les succès de Snapchat, Instagram en témoignent. « Regarde comme je suis » : le regard parfois sans le langage est ainsi convoqué. Il peut alors s’agir d’une tentative « de mettre son image dans l’Autre pour l’avoir pour soi »[5]. Ce recours à l’image peut-il être une manière pour un adolescent de recalculer sa position dans l’Autre ?
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